Printemps 2025, mois de mai.
Il m’a fallu beaucoup de temps pour revenir du fond de l’univers.
J’ai poursuivi mon exploration jusqu’a l’infini.
Il n’y avait rien, rien que moi et si heureux , courant, ivre de
liberté dans le vide, que l'univers essayait sans fin de rattraper pour
l'occuper.
Je suis au jardin dans mon vieux fauteuil incrusté de lichens.
Devant, la petit table de camping rouge, au revêtement de faux formica
qui part en lambeaux, usée par tant d’hivers,de pluie, de froid et de
soleil brûlant.
Je me sens bien, j’écris.
Des gouttes froides
le ciel au lavis de gris -
la glycine s’en va
L’ horloge du temps se trompe,
un instant paraît une éternité.
Un long moment semble si court.
Revenant de mes voyages au fond de l’univers, je ramenais la fusion du tout dans le vide
où le temps n’a plus d’importance, absorbé dans l’espace sombre du vide.
Rien n’était différent et singulier - la mort des soleils était aussi ma propre mort, disparaître , renaître.
Je devais donc renaître par simple logique.
Cette idée me remplissait d’espérance, mais reverrais-je ce printemps
aux boutons d’or se succédant aux pâquerettes et aux petits soleils
étoilés du pissenlit.
J'avais saisi le sens du tout, de l’infini, du vide, du rien et du
temps et par conséquent de la vie, en faisant naturellement partie.
Mais de ce sens, il n’y en avait pas, et, pour le comprendre, il fallait tout oublier.
Tout était rien, rien qu’impermanence.
Tout naissait, tout mourrait, tout renaissait et cela n’avait aucun sens.
Oublier, oublier, en oublier le sens, n’en chercher plus le sens et oublier.
Mais après la mort, puisque je devais renaître comme renaîssaient les
étoiles à partir des gaz et de la matière autour d’elles, quel était le
sens, le sens de l’après ?
Un changement. En effet quel changement !
Et cela s’inscrivait comment ?
Dans une sorte de loterie ?
Pourquoi après ma mort cela serait-il mieux ou moins bien?
Tout cela dependait de moi, non? de ce que je suis et donc de ce que je veux. Comme je suis, je le veux.
La pluie froide, maintenant tombait comme des hallebardes, bousculées dans les rafales de vent.
Il y avait une sorte de message dans cette avalanche d'eau.
J’eûs tout à coup l’envie de me mettre nu, sous elle, lui offrant mon corps.
Ma montre semblait s'être arrêtée et j’écrivais.
Le temps disparu -
le brin d’herbe se dresse-
ce pas lourd lointain
Ce n’était pas seulement un fantasme plus ou moins gratuit, car
peut être il y avait-il un prix à payer ou pour me prouver je ne sais
quoi, mais plutôt c’était une sorte de provocation, une forme de
plaisir aussi, dans un acte volontaire, tyrannique.
Je savais qu’elle m’offrirait un cadeau en retour.
Un cadeau c’est agréable , donc il ne s’agissait pas d’attraper un
rhûme, bien que ce fût une éventualité, mais c’était une communion
intime avec la terre, la pluie, le ciel et la vie.
Un message secret m’attendrait alors.
J’en étais profondément persuadé.
Le ferais je ? nu sous la pluie froide?
Un jour peut-être.
Oui je le ferai, demain, après demain, bientôt, de la pluie est annoncée.
J’écrivais :
Tout nu sous la pluie
le ciel pour témoin, m’offrant-
un oiseau chante
Une étoile bienveillante me rechaufferait.
Sa chaleur envahissante me donnerait le courage de repartir, mais vers où ?
Comme moi, les astres me tendraient les bras, viens ici, viens là !
Je pris conscience que je n’étais pas seul et que tous voulaient aussi vivre pour leur plaisir.
Toute abandonnée
contemplant les étoiles-
la forme bien née
La pluie délivrerait -elle son message ?
je m’endormis beaucoup plus tard, songeait.
les grandes herbes
balancées au vieux chalet
les cheveux au vent
20 mai 2025, le ciel s’obcurcit lentement en début d’après midi.
Buvant le vin rosé rafraîchi dans l’arrosoir, je pense.
Un bon déjeuner m’attend et finissant mon verre, je quitte mon vieux fauteuil. Il est presque trois heures.
21 mai 2025, le temps est lourd et à la pluie.
Ciel voilé, la pluie arrive, beaucoup de lumière inonde encore le jardin.
Ma coupe est pleine, je la vide d'un trait et pars déjeuner encore plus tard qu'hier.
J’attends, je suis prêt. Je serais là, j'en fais le serment.
18 h, tout à coup je me dresse comme un diable de mon lit, j'entends la pluie battre sur les vitres.
je m’habille en toute hâte, vêtements et chaussures de pluie, serviettes, je n’oublie rien.
Dehors c'est glacial, je marche vers le jardin, plié en deux,
me déshabille dans le chalet, sors nu dans la prairie, j'ai froid et
j'ai chaud, les arbres vaçillent et craquent, une vrai tempête, j'ai
peur.
Le grand if fouette l'air et le sol de ses longues branches
pendantes, telle une hydre énorme blessée à mort. L'une d'elles me fauche soudainement comme une vulgaire quille de booling.
Dans un bond, je me réveille et me dresse sur mon lit avec le coeur battant la chamade, je suis en sueur.
J'entends quelques secondes plus tard le clap de la chatière, ma
chatte "cocotte" saute sur mon lit et pousse un petit miaulement
plaintif, très doux.
Je la caresse et de plaisir elle tourne et se retourne sur elle même, en
se frottant longuement sur ma main.
le poil humide
sur le dos de ma chatte -
le poêle fume
à suivre....